Yo, t’es pourri pour te reposer. Moi aussi.
Même pour le repos, il y a un désir de performer. Comme si réussir sa récupération était un exploit en soi.
Au CrossFit, ils ont inventé le concept de “WOD de récupération”. Ce type d’entraînement vise à favoriser la récupération active en réalisant des exercices légers et moins intenses, permettant aux muscles de se détendre tout en restant en mouvement.
En course, il y a le “recovery run”, dont l’objectif est de favoriser la circulation sanguine, d’éliminer les toxines musculaires comme l’acide lactique et de diminuer les courbatures après des séances intenses.
L’illusion de la récupération active
Eh bien, tout ça, c’est de la bullshit. En partie.
Non, ce n’est pas vraiment de la récupération, c’est de l’entraînement en plus. À plus basse intensité, mais de l’entraînement quand même. Un stress ajouté à notre corps. Mais pour une personne performante, une personnalité dite “alpha”, c’est exactement ce qu’il lui faut : être performant dans tous les aspects de sa vie, même dans le repos.
L’autre jour, j’écoutais une entrevue du Dr Mike Israetel dans le podcast Modern Wisdom. L’essentiel de la conversation tournait autour du repos, et j’avoue que c’était rafraîchissant.
Israetel explique que les entraînements de “récupération” agissent comme un “analgésique temporaire” : ils réduisent la sensation de courbature en stimulant les récepteurs sensoriels, mais n’éliminent pas vraiment la fatigue musculaire accumulée. En d’autres termes, si l’objectif est de récupérer complètement d’un effort intense, le repos passif est souvent plus bénéfique. Ce type de repos permet aux tissus musculaires de se réparer sans ajouter de stress supplémentaire. Dans cette perspective, un “recovery run” peut améliorer le confort musculaire, mais il ne contribue pas à une vraie récupération.
Comment bien se reposer : l’art de faire le farniente
Alors, comment on se repose pour de vrai ? Comment être optimal ? C’est simple : en ne faisant rien du tout. En décrochant du boulot, en faisant la farniente, la sieste, en lisant un livre ou même en regardant Netflix. Oui, même Netflix, mais sans être sur les réseaux sociaux en même temps… Pourquoi ? Parce que l’objectif est de calmer le système nerveux.
On vise l’ennui. Un vrai ennui. Le but est d’être tellement reposé que l’ennui te pousse à te lever et faire des trucs. C’est dur à atteindre aujourd’hui avec nos téléphones. Si tu as des enfants, tu sais que les moments à regarder dans le vide n’existent pas. Il faut mettre cet ennui dans l’agenda.
Le repos des athlètes de haut niveau : une leçon pour nous tous
Par le passé, j’ai côtoyé des athlètes de haut niveau et des coachs d’entreprise grâce à la compagnie CANU. Un moment marquant a été en visitant l’équipe de Canoë Kayak Canada au lac Beauport. Après leur entraînement du matin, leur plan de match pour l’après-midi était simple : manger et dormir. En discutant avec l’un d’eux, il nous a demandé de se mettre à l’ombre, car le soleil risquait de l’épuiser pour l’entraînement du soir. Un autre allait se faire masser.
En entrevue avec le coach, on constatait que dans son programme d’entraînement, le repos était aussi important que l’entraînement lui-même. Il faisait partie intégrante de leur emploi du temps, tout comme les sessions de musculation. Ramené au niveau organisationnel des entreprises, est-ce que l’on programme le repos au sein même de la compagnie ? Comme métrique de performance, le repos est tout aussi important.
Un sprinter du 100 m à l’entraînement le matin, ne fait rien du reste de la journée. Il mange et dort. Effort intense, repos intense.
Et nous voilà, avec nos semaines de 35 à 60 heures, les enfants, les obligations, et aucun trou dans l’agenda, enchaînant les performances. Performants au travail, en amour, dans l’éducation de nos enfants, on se met à courir comme des fous, à faire du CrossFit six fois par semaine, du HIIT ou du powerlifting (ou pas vous me direz). Mais jamais de moment de repos. Comme si le repos allait se glisser naturellement dans notre quotidien. Ben non.
Les athlètes se reposent pour performer, mais nous, rarement. Et même si la majorité des gens devait bouger bien plus, instaurer une vraie routine de repos aiderait ceux qui commencent à s’entraîner à persévérer. La vie est un stress, et l’entraînement en est un autre. Le repos, lui, permet de récupérer et de mieux bouger.
Hyperactivité et impact sur la récupération
En général, et en m’incluant là-dedans, tant au travail qu’à l’entraînement, on ne performe jamais à fond et on ne se repose jamais à fond. Tu peux pas performer à ton max si tu te reposes pas à ton max aussi. Être tout le temps occupé crée une confusion où l’on confond cet état hyperactif avec de la performance. Encore plus avec notre addiction aux téléphones et aux réseaux sociaux qui nourrissent cette hyperactivité mentale. Et quand le cerveau est stressé, le corps l’est aussi, car il se régule au repos.
Israetel explique que le repos total, ou farniente, permet aux muscles de se réparer et aux réserves d’énergie (comme le glycogène musculaire) de se reconstituer, ce qui n’est pas toujours le cas avec la récupération active. Alors que la récupération active peut améliorer le confort temporaire, le farniente donne au corps le temps nécessaire pour une réparation profonde et une régénération complète.
Retrouver l’art perdu du repos
L’invitation est de renouer avec l’art perdu du repos. De le placer dans l’agenda. De redécouvrir la lenteur et l’ennui profond, celui qui amène à bouger ensuite avec envie et énergie.
Bien se reposer pour bien bouger.
Et vous savez quoi ? Ben cric, un massage. C’est du pur repos. Beaucoup de circulation sanguine, de la pression sur les tensions, pas de téléphone, une petite musique ésotérique avec des chants de baleines, et des pensées qui vagabondent vers l’ennui. Je suis là pour vous.
Avouez que c’est smart comme placement de service… je suis fier de celui-là !
Namaste,
G
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