Qu’est-ce que vous pensez des livres de croissance personnelle?
J’ai fait environ 18 ans de thérapie, que je qualifierai de classique, même si elle ne l’était pas du tout. Disons qu’elle était classique dans le sens où à chaque semaine, je dépliais des pans de mon histoire pour me comprendre un peu mieux, et pour sortir de ce pattern inconscient qui m’amenait du côté sombre de la force.
Durant ces années, j’ai gratté de fond en comble mon histoire et j’ai beaucoup appris. Mais est arrivé le moment où je semblais avoir fait le tour de mon histoire. Pourtant, certaines difficultés étaient persistantes. En fait, j’avais surtout fait un grand voyage intérieur, et il me restait à l’appliquer dans un contexte social, où l’autre avait beaucoup à m’apprendre sur moi-même. Comme une épouse, par exemple. Écouter et valoriser ses émotions devait devenir aussi important que ce que je sentais moi-même. Processus difficile, mais très formateur!
Pour faire le pont avec le monde social, j’avais plus besoin d’outils que de parler. Et les coachs avec leurs myriades d’approches ont été une source d’aide très importantes pour moi. Cela dépend de la qualité du coach bien sûr, comme dans tout. Les livres de self-help m’ont parfois aidé, et d’autres fois j’ai ri, pis c’est correct.
Parmi mes constats, je remarque que la vie est compliquée et on trouve souvent des solutions compliquées. À priori, ça peut sembler logique.
Je pense qu’en tant qu’humain on a des fois le malheur de notre intelligence: On cherche la complexité. C’est comme un hit de dopamine pour les cerveaux qui aiment creuser. Pour ceux qui connaissent la méthode GTD, c’en est à mon avis un bon exemple.
À des tâches simples, on ajoute souvent des réflexions compliquées. Entreprendre des tâches émotivement difficiles, comme prendre le téléphone pour demander de l’aide, aller au gym, ou pire encore, vider le lave-vaisselle... Le cerveau peut aller en boucle pour trouver de bonnes raisons pour se justifier à l’inaction. Même si l’objectif nous tient à cœur (être en forme, avoir une maison propre, etc.), la difficulté du processus (s’entraîner, faire du ménage, etc.) nous freine d’emblée.
Imaginons que je veuille aller au gym en soirée. Le soir venu, j’hésite, et mes premières réflexions sont quelque chose du genre:
-Ouin mais, j’ai eu une grosse journée…
-Shit, il faut que je parte un lavage.
-J’ai pas fini de regarder ma vidéo sur les maisons passives, ça pourrait servir.
-Ouin, je suis vraiment fatigué, imagine si je me blesse.
-Netflix a sorti une bonne ptite série B sur de la politique intergalactique.
-On pourrait faire une soirée fondue!
-Comme la terrasse est orientée vers le sud, si je conçois une pergola, ça va freiner l’effet de serre dans la maison.
-Une blessure, t’imagine le recul?
-Faut que je profite de Netflix avant de changer mon abonnement pour Disney.
-Une raclette c’est mieux.
-Finalement, aujourd’hui c’est pas réaliste.
Ce serait toutes des pensées pour nous protéger, protéger notre énergie, un réflexe basé sur des millénaires d’évolution pour éviter de prendre des risques inutiles et brûler de précieuses calories. Mais en 100 ans, la société à complètement changé. Et maintenant il faut absolument bouger plus, pour notre santé mentale et physique.
Aux problèmes compliqués, il faut trouver des solutions simples. J’en suis convaincu maintenant.
Voyons ensemble un outil super puissant, un petit protocole qui fonctionne à merveille pour moi: la règle des 5 secondes. Ce n'est pas celle qui implique que t’as 5 secondes pour ramasser la poitrine de poulet échappée sur le sol et que ça reste hygiénique. 🙂
Alors un jour j’écoute cette entrevue avec Mel Robbin, sur mon petit podcast favori, celui de Rich Roll. Mel a un parcours éclectique et un message vraiment simple, qu’elle surnomme le 5 secondes rules. Si vous ne connaissez pas déjà, attention accrochez-vous, c’est vraiment ridicule. Si vous êtes pris dans une procrastination paralysante, simplement comptez 5-4-3-2-1 et mettez-vous en action. Vous ruminez des mauvaises pensées? 5-4-3-2-1 et vous bougez.
Comme le dit Mel elle même : “it’s so fuck’n stupid, but it works”
La première fois que j’ai entendu ça je me suis dit que c’était effectivement vraiment stupide. Trop stupide pour que ça fonctionne pour moi, parce que vous voyez moi, je suis trop intelligent pour ça. Mais Mel Robbin est drôle, et elle ne se prend pas au sérieux tout le temps. À partir du moment où quelqu’un me présente un nouveau concept et a de l’autodérision, mes gardes tombent et j’écoute. Puis c’est tellement simple que ça ne me coûtait rien d’essayer.
Alors en testant cette technique sur mes inactions, par exemple mes exercices plates de physio, 5-4-3-2-1 je suis debout et je les fais. Je n’ai pas remarqué de grand changement dans ma motivation, mais du coup j’étais en train de faire mes exercices. Même chose avec la vaisselle, même chose avec le ménage. Rien de majeur. Jusqu’au moment que je dois avouer que je suis en action et shit, ben quand même, et après, je me sentais bien d’avoir fait mes tâches, mes exercices.
En testant la technique sur mes débuts de ruminations… elles disparaissent. Où? je ne sais pas. Je me vois passer à autre chose, comme si de rien n'était. De rumination à une action quelconque: travail, ménage, présence à mes enfants, contemplation.
Ça marche, mais pourquoi? Voici ce que Mel en dit, j’ai choisi les extraits les plus éloquents à mon avis et je vous laisse les liens si vous voulez les regarder par la suite:
Mel sur le cerveau qui bloque le changement à 48sec à 2min.
“Il y une raison pour laquelle le changement est difficile, ton cerveau a été conçu pour ne pas changer [...] Changer demande de faire des choses incertaines, qui font peur ou qui sont nouvelles. Ton cerveau est conçu pour ne pas faire ces choses pour te protéger. Comment? En te piégeant dans ta tête pour te faire trop réfléchir[...] Il y a plein de façons de nommer cette fonction du cerveau, biais cognitif, paradoxe du choix, immunité psychologique, l’effet de projecteur[...] Simplement, il y a un système dans ta tête qui t'arrête (de changer)”
Le fonctionnement du 5-4-3-2-1 expliqué avec Rich Roll 55min 35sec à 60min12sec.
“Lorsque tu comptes à reculons, tu t’es déjà commis à te mettre en action[...] Plus tu le fais, plus tu déprogrammes ton cerveau d’un pattern de pensée vers un pattern d’action. [...] On parle de changer (une habitude) avec le cortex préfrontal du cerveau [...] du moment que tu es assis à procrastiner ou à avoir des pensées négatives, c’est ton subconscient qui est en charge […] Pour changer il faut arrêter les patterns subconscients. La règle des 5 secondes n’est pas juste un décompte stupide, c’est une forme de stratégie métacognitive qui interrompt le pattern qui se passe dans ton subconscient. Compter à rebours te demande de focuser et comme un interrupteur, allume le cortex préfrontal, te donnant un moment de contrôle sur ce que tu vas penser et faire ensuite…”
J’ai cherché sur internet à valider les propos avancés par Mel Robbin. Des recherches scientifiques sur pubmed ou autre. J’ai pas trouvé grand chose qui l’adresse précisément, si ce n’est cet article du magazine GLAMOUR. J’aurai aimé trouvé moins glamour justement. Dans l’article, la Dr Emma Sarro, neuroscientifique et chercheuse, semble valider le concept de Mme Robbin. Je vous laisse lire ce petit article si vous voulez une explication probante plus pointue.
Dans les propres mots de Mel, qui y met un peu plus d’émotions:
“L’hésitation est le baisé de la mort. Hésiter une fraction de seconde et c’est tout ce qu’il faut. Cette seule petite hésitation déclenche un processus mental conçu pour te stopper. Ce processus se met en place, vous devinez, en moins de cinq secondes.”
Ce que j’aime beaucoup dans tout ça c’est qu’elle a développé sa théorie par accident, dans un moment où elle devait reprendre le contrôle sur sa vie. Ensuite elle l’a proposé à d'autres personnes. Voyant que ça marchait chez beaucoup de gens, des scientifiques se sont intéressé au processus et l'ont validé. Des psychologues aux États-Unis le proposent maintenant comme exercices à leurs clients. Comme quoi il faut rester ouvert aux différentes propositions et les tester, au lieu de simplement les rejeter en bloc en fonction de la source.
Ma théorie personnelle, c’est plus que t’es “intelligent”, plus t’as d’arguments intelligents pour te convaincre rapidement de ne pas te mettre en action… Fek en bout de ligne, t’es encore plus stupide. 🙂
Je le vois chez moi et chez les autres. Devant une émotion difficile à vivre, on a tendance à se construire un réseau d’arguments intelligents pour nous éviter de sentir cette émotion. Bien que ce soit un mécanisme de défense légitime, parce que nous sommes, ou plutôt à un moment donné dans notre histoire, étions en réel danger face à cette émotion; l’argumentaire autour de cette protection ne sert aujourd’hui absolument à rien. C’est plutôt une nuisance.
C’est une justification intellectuelle pour paraître fort quand au fond, notre cœur est insécure. De fait, cela nous fragilise encore plus, car ça nous éloigne des autres, nous renfermant dans notre château. On perd ainsi toute la sagesse que le regard de l’autre peut nous apporter. On perd des amis, on perd de la vitalité.
Donc tu peux rencontrer une personne qui a fait des études post-doctorales et elle est peut être émotivement “stupide”. Tout l’art de la rhétorique développé au cours des années ne sera que de piètre service si le cœur n’est pas aligné…
Notre cerveau n'a pas évolué aussi rapidement que notre environnement. Il nous faut bouger plus intentionnellement qu’auparavant. À l’époque le mouvement était simplement essentiel à la survie. Maintenant tu peux vivre dans ton appartement sans jamais en sortir, les calories viennent même directement à ta porte. Tu peux faire 2h de déplacement par jour en étant assis dans ta voiture pour aller à ton travail assis. Et à la pause du midi, t’en profites pour manger ton lunch, assis. À quel prix pour le corps et la tête?
Si vous surprenez une pensée avant une tâche difficile mais que vous savez que cela fera du bien, testez 5-4-3-2-1-GO.
Mood follows action. J’y reviens souvent, je l’aime cette phrase.
Passer d’une pensée négative à une pensée positive par la “force du mental” est pratiquement impossible. Il faut toujours qu’il y ait une forme de mouvement physique avant. Une action. On ne regrette jamais d’avoir fait du sport ou d’avoir fait une tâche difficile. On est comme ça les humains, on ne veut pas faire ce qui est difficile, mais quand on le fait, on se sent bien après. Et non l’inverse.
Bien sûr, c'est qu'un outil, ça ne remplace pas une consultation auprès d’une personne qualifiée si vous êtes en grande détresse. Mais c’est très simple et très puissant, ça pourrait même vous donner le courage d’agir, voir de demander de l’aide si vous en avez besoin.
Ça coûte rien et surtout, c’est vraiment stupide. 🙂
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